Sur le film Béziers L’envers du décor : Refus et lâchetés contre droit de savoir et prise de conscience


Béziers, l’envers du décor, un film documentaire de Daniel Kupferstein sur les pratiques de l’extrême droite à la tête d’une grande ville du Sud de la France, ne connait pas le circuit classique des projections dans les cinémas.

C’est la mobilisation de militant.es associatifs, de syndicalistes et de citoyen.nes qui a permis à ce film de rencontrer une partie de son public, depuis sa sortie en début d’année 2024.


Lieux associatifs, cinémas d’art et d’essai, centres culturels se sont mobilisés dans plusieurs dizaines de villes, en organisant des projections-débats qui permettent de revenir sur les turpitudes racistes et identitaires de l’extrême droite, quand elle prend le pouvoir dans un territoire, en l’occurrence ce qu’il se passe à Béziers depuis que Robert Ménard en est devenu le maire, avec l’appui des voix du FN, puis du RN.

Image extraite du film.


En 2025, la diffusion continuera de s’étendre dans de nombreuses villes (Voir notre agenda)

Pour autant, les refus, les bâtons dans les roues et les résistances à la diffusion de ce film, qui raconte le quotidien d’une ville dominée par l’extrême droite à travers son journal municipal, n’ont cessé de se multiplier.
Par calcul politique, par opportunisme, sous les prétextes les plus divers ou tout simplement par manque de courage politique, ne pas voir, ne pas vouloir connaître et empêcher de faire savoir, sont devenus des réflexes de protection à la fois illusoires et délétères pour nombre d’élu.es et de responsables associatifs. Une censure qui ne dit pas son nom, pour ne pas avoir à affronter la réalité ou, à tout le moins, imaginer de pouvoir composer avec elle.
La liste qui suit n’est hélas pas exhaustive, mais bien représentative de toutes ces petites lâchetés, de tous ces reculs prudents ou apeurés devant les avancées de l’extrême droite, dans un certain nombre de territoires :

  • La Région Occitanie refuse d’inscrire le film à la commission d’aide à la production car c’est un film politique, « peur d’un procès RN car il y a déjà eu une jurisprudence ».
  • L’ancien président de l’Agglo autour de Béziers (opposant à Robert Ménard) qui ne veut pas d’avant-première dans sa commune car, dit-il : « je ne veux pas remettre de l’huile sur le feu« .
  • Un autre opposant à Ménard dans l’Agglo de Béziers qui ne répond pas malgré plusieurs messages laissés sur son téléphone perso.
  • Le président PS de l’Agglo La domitienne (secteur voisin de Béziers), qui répond, suite à une sollicitation pour une avant-première : « Ce nest pas le bon moment« .
  • Le directeur d’un lycée agricole de Gardanne qui répond aux syndicats d’enseignants qui voulaient faire une projection du film : « On ne fait pas de politique au lycée« , alors que le même venait de recevoir des élus, dont un RN.
  • Le Conseil d’Administration de la Maison de la vie associative d’Arles qui affirme : « On ne projette pas de films politiques » et qui vient de voter l’exclusion de la LDH de la Maison de la vie associative, car la section locale voulait organiser une projection dans leurs locaux.
  • Le cinéma de St Brieuc qui répond à une association : « si on projette ce film, l’extrême droite demandera de passer un de leurs films« .
  • Un cinéma de Marseille, qui répond après plusieurs mois d’attente : « On a déjà passé des films sur le même sujet » alors que dans la presse la directrice affirme que « ce cinéma est aussi un lieu politique et de débat, pour accueillir, des chercheurs, des militants, des associations »
  • Un cinéma à Annecy qui n’arrive pas à trouver un créneau pour le passer dans les prochains mois…
  • Le service culturel de Mèze (ville située dans le département de l’Hérault) qui ne veut pas le projeter car « c’est un film contre une personne, et pas sur un système« , sans l’avoir vu.

Le film documentaire de Daniel Kupferstein constitue une véritable leçon de choses sur les pratiques et la mise en œuvre des obsessions racistes et identitaires de l’extrême droite, quand elle parvient à s’emparer d’un territoire.
Béziers, comme Perpignan, Fréjus, Hénin-Beaumont ou encore Villers-Cotterêts, pour n’en citer que quelques-unes, sont devenues de véritables villes laboratoires pour l’extrême droite où elle tente de mettre en place sa politique de discriminations et de rejet d’une partie de la population. Tout ce que nous ne voulons pas.
Continuons de soutenir cet outil populaire qu’est le cinéma et spécialement à travers ce film qui nous avertit des dangers de la montée de l’extrême droite et de ses « idées ».

Philippe Rajsfus